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Les procès médiatiques : la double peine

L’opinion publique est une question fondatrice de la démocratie.

Donner son avis, débattre sur un sujet de manière publique est une pratique prônée depuis l’antiquité. D’ailleurs, dans un grand nombre de récits antiques, des auteurs grecs recensent ces débats interminables, tumultueux et passionnés. On parle alors notamment de la δόξα (doxa). C’est un concept qui s’oppose au λόγος (logos), à ce qui est prouvé et démontré. Concrètement, c’est un avis, un ressenti.

Platon assimile la δόξα à l’ignorance et aux préjugés dans l’allégorie de la caverne. Concrètement, pour lui, c’est ce qui « semble » être en surface mais qui n’est pas l’essence même des choses. Au contraire, Aristote considère que c’est l’un des moyens de construire du lien à travers une sociabilité langagière et un échange de raisons.


Les avis sont donc mitigés. Et encore maintenant, l’opinion publique est plus présente que jamais.

Elle se constate notamment lors d’affaires médiatiques. Tout le monde se souvient de l’affaire Dreyfus au XIXème siècle qui avait opposé le camp des dreyfusards et des anti-dreyfusards.

Complètement bouleversée, la France était divisée en deux camps.
L’opinion publique est considérée comme un artefact, une création de toutes pièces. Pour autant, elle est bien présente. Étudier ses modes de fabrication est important puisqu’ils sont mouvants. Ils évoluent, ils changent.

Un accès à l’information facilité et des outils de communication plus performants que jamais

Les médias facilitent la diffusion et l’accès à l’information. L’opinion publique est sollicitée et d’ailleurs elle importe beaucoup puisqu’elle va de plus en plus se mêler à la sphère politique. Loin de n’être qu’à l’état de voix, elle permet de nombreux ébranlements.
Les mutations numériques et digitales sont de plus en plus rapides. Aujourd’hui, les réseaux sociaux et le web changent la donne, les enjeux ne sont plus les mêmes.


Nous sommes, pour certains spectateurs et pourtant nous n’avons jamais été autant des acteurs, d’un monde en pleine transition. Maintenant qu’internet s’est démocratisé et occupe une place très prépondérante au sein de notre quotidien, notre curiosité se voit être décuplée : l’info en un clic.

Sur les réseaux sociaux et les plateaux télé, on peut donner notre avis, débattre et discuter sur le sujet en faisant de nous-même des avocats et juristes.
Cette prise de liberté à de nombreuses répercussions. L’expression est accessible en masse. Ainsi, des avis plus ou moins fondés surgissent de toutes parts. Mais un avis vaut-il un jugement ?

Un avis vaut-il un jugement ?

Alors que la justice française prône l’impartialité, la présomption d’innocence ou encore l’égalité devant la loi, les procès médiatiques s’abattent sans garanties d’une équitabilité des partis ou des valeurs citées plus haut.

La relation entre le judiciaire et le médiatique est un sujet complexe nous explique Mathias Chichportich. Pour un avocat, s’il y a relaxe d’une personne mise en cause, c’est bien. Néanmoins, si dans l’intervalle du procès et de la décision, l’accusé est sanctionné par le procès médiatique, c’est un échec.
Désormais, les avocats doivent bien prendre en compte qu’en parallèle de leur stratégie judiciaire, ils doivent concevoir une stratégie de communication.


La sentence médiatique n’obéit à aucune règle : il n’y a pas de contradictoire, pas de dossier. Il n’y a qu’une rumeur, qu’une expression tout à fait subjective.


Ce procès sans règle est complètement manichéen. C’est-à-dire qu’il y a le camp « contre » et le camp « pour » sans réel recul ni nuance.


De plus, l’opinion publique est largement influencée par les informations diffusées. Les sources ne sont plus vérifiées. Tout va extrêmement vite. D’ailleurs, les ordres essayent, de plus en plus, de sanctionner les abus de libertés d’expression qui sont parfois proches de la diffamation. La diffamation peut parfois nuire à la bonne administration de la justice

Quelques actualités

Récemment, de nombreuses polémiques et procès se sont déroulés principalement sur les réseaux sociaux.


Solution ou problème, pour ou contre, tout avis est personnel. Internet donne aux citoyens les plus actifs de nouvelles formes d’actions et d’expressions ainsi qu’une résonance à plus grande échelle. De nouveaux médiateurs interviennent et diffusent leurs opinions avec des dispositifs de jugements intégrés sur de nombreuses plateformes :le fameux like, le dislike ou autre réactions.


Avec l’évolution des moyens de communication et d’information, l’opinion publique n’est plus « sectaire » : elle n’est plus guidée par des intellectuels, des gens de lettres, des politiques ou encore des journalistes. Tout le monde a son mot à dire ou du moins, peut l’exprimer. Le « journaliste citoyen » ou plutôt le « juge citoyen » est né.

Twitter, Instagram, Youtube, TPMP, BFMTV, CNEWS, tous ces médias permettent le débat et recréent la scène du jugement et du procès. Cela donne souvent lieu à un champ de bataille. Nous pourrions citer de nombreux scandales qui ont éclaté
On pourrait citer des scandales qui ont fait beaucoup parler :

  • #payetarobe
  • #metoo
  • L’affaire Polanski, Johnny Depp ou encore Bastien Vivès

Dans ces exemples-là, l’opinion publique a tellement été tranchée qu’elle a pu concrétiser certaines actions.

Par exemple, l’exposition de Vivès a été annulée en raison d’une polémique accusant l’auteur de BD de faire la promotion de la pédopornographie. Harcèlement, lynchage ou boycott, l’opinion publique fait son jugement et sa sanction avant le procès.

Une faille dans le système juridique ?

Il est indéniable que cette mouvance a lieu parce qu’il y a besoin et des problématiques. Beaucoup de victimes ne sont pas écoutées. Rappelons qu’en France, en 2017, 76% des enquêtes de viol n’ont pas abouti.

En plus de cela, il y a bien souvent la peur de parler et de briser le silence. Ainsi, la médiatisation d’une affaire permet de justement faire « avancer » la chose. Mais à quel prix ?

Pour aller plus loin sur ce sujet, nous vous invitons vivement à écouter notre podcast aux côtés de Jacqueline Laffont, avocate associée chez Haïk & Associés, avocate de l’ancien Président Nicolas Sarkozy, qui nous raconte la pression que peuvent exercer les médias et comment elle modère sa clientèle en ce sens.

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