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Avocats et démarchage : si on faisait appel ?

Même si les règles en la matière ont évolué, force est de constater que le démarchage reste un véritable sujet tabou chez les avocats. Que ce soit lors de nos formations, dans la presse, sur les réseaux, ou lors de l’étude que nous menons actuellement sur les avocats et leurs relations aux clients, les avocats persistent et signent : le démarchage, dans la profession, c’est délicat.

Ce n’est pas dans la culture des avocats. Ce n’est pas tout à fait en accord avec la déontologie. Cela dépend de la manière dont il est mené. Certains lui préfèrent le terme de sollicitation personnalisée. D’autres, au contraire, assument et s’y essaient avec plus ou moins de réussite.

Alors, que doit-on en penser ?

Le démarchage ou plus communément appelé « chasse » est extrêmement classique et accepté dans de nombreux autres secteurs. Cette stratégie, si elle est bien exécutée, peut même être extrêmement efficace.

Son problème ? Elle souffre souvent des préjugés qui sévissent à son égard. Très souvent, les avocats ont du démarchage l’image du vendeur au porte à porte, au costume trop grand, qui met un pied dans votre porte et vous tient la jambe pour vous expliquer à quel point vous avez absolument besoin de ce mixeur. Rassurez-vous, ces techniques ne marchent pas. Le bon démarchage n’a que très peu de choses à voir avec le démarchage des vendeurs américains des années 50.

Loin de nous l’idée selon laquelle l’avocat doive absolument s’y essayer. L’enjeu est simplement de rappeler ici ce à quoi peut ressembler un démarchage correct et efficace. D’abord, mettons un peu de contexte…

Créer le contact avec ses clients potentiels : Inbound vs Outbound

Globalement, quand on parle de développement commercial moderne pour un avocat, on peut distinguer 3 grandes phases, qui forment le haut ce qu’on appelle un funnel marketing :

  • La stratégie de notoriété : Il s’agit très souvent des stratégies de marques, regroupant des conférences, des posts Linkedin ou encore des articles. Globalement, le but est de se faire connaître d’un client potentiel. On fait passer quelqu’un de la phase « je ne connais pas ce cabinet d’avocats » à « oui, je connais ce cabinet » sans pour autant que les deux parties ne se soient jamais parlé.
  • La stratégie d’acquisition : Il s’agit de la stratégie qui nous permettra d’entrer en contact avec les cibles, soit en les rencontrant physiquement, en les ayant au téléphone, ou en récupérant leurs coordonnées d’une manière ou d’une autre. Concrètement, cela peut consister en une présence à un salon, au téléchargement d’un livre blanc contre un mail ou d’un article contenant le contact d’un avocat. On fait le plus souvent passer quelqu’un de « je connais ce cabinet d’avocats » à « ce cabinet d’avocats m’intéresse ».
  • La stratégie de conversion : Il s’agit de la vente de la prestation et potentiellement des actions entreprises pour maintenir la relation avec un client potentiel avec qui nous sommes en contact, mais qui n’est pas prêt à s’engager tout de suite. On fait passer quelqu’un de « ce cabinet d’avocats m’intéresse » à « j’ai décidé de contracter avec ce cabinet d’avocats ».

La chasse (ou démarchage) entre dans la deuxième catégorie. Il s’agit d’une stratégie d’acquisition. Autrement dit, le seul but de la chasse est de créer un contact avec un client potentiel, et non pas de vendre directement le service. Il s’agit là d’un point capital, mais nous aurons l’occasion d’y revenir.

Pour bien comprendre, on distingue souvent deux types de stratégie d’acquisition, distinction initiée par Seth Godin, inventeur du concept de permission marketing :

  • La stratégie Inbound : C’est la stratégie préférée des cabinets d’avocats. Elle consiste schématiquement à aller à la pêche. Le but est de créer des contenus, comme des articles, des vidéos ou encore des podcasts, qui intéresseront le client potentiel. À partir de ces contenus, on laisse suffisamment de moyens d’être contacté pour laisser le client venir à nous.
  • La stratégie Outbound : Il s’agit de ce que les avocats appellent le démarchage. Elle consiste schématiquement à aller à la chasse. Le but est de solliciter directement et de manière personnalisée le décideur type pour générer son intérêt.

Bien qu’il s’agisse d’une approche directe, aucune règle n’indique que nous serions obligés de démarcher des professionnels au hasard, à la chaîne, et leur demandant directement si, à tout hasard, ils ne seraient pas intéressés par notre tout nouvel abonnement juridique.

Toute la clef est en réalité dans la personnalisation et dans notre capacité à venir en aide à notre client potentiel. Une bonne stratégie outbound ne doit justement surtout pas ressembler à du démarchage.

L’art est de cacher l’art : changer sa conception du démarchage

Le démarchage ne s’improvise pas. Le sujet nécessiterait d’écrire un livre complet (livre qui existe d’ailleurs déjà). Cependant, nous pouvons retenir trois points majeurs qui nous aideront à sortir du cliché et à passer du démarchage bête et méchant à une main tendue envers un prospect.

Le ciblage : le nerf de la guerre

La clef du démarchage est que celui-ci soit le plus personnalisé possible. Concrètement, si vous avez le temps de contacter chaque décideur individuellement en adaptant le contact, faites-le.

En pratique, cela ne sera pas toujours possible, ou pas totalement. Essayez de resserrer le ciblage au maximum. Par exemple, ne ciblez pas les industriels en général. Essayez de cibler des populations beaucoup plus précises, comme les PME de l’automobile française, de moins de 200 salariés. Le but est de pouvoir s’adresser à sa cible de manière presque individuelle.

Si possible, il faut même aller plus loin. Il faut cibler des acteurs actuellement confrontés à un nouveau problème sur lequel vous pourriez être utile. Pour cela deux grandes méthodes classiques :

  • Cibler un groupe d’acteurs confronté à une problématique de marché (arrivée d’un nouvel acteur perturbateur, crise …) ou règlementaire (nouvelle règlementation, vague de contrôle des instances régulatrices …).
  • Cibler des acteurs qui arrivent à une phase critique qui risque de générer des problèmes (forte croissance, levée de fonds, internationalisation, vente …).

Pour cela, de nombreux outils peuvent vous aider. Vous pouvez commencer avec des choses très simples, comme la version gratuite de Linkedin qui vous permet de faire des recherches en filtrant par poste, par industrie, par localisation, … Une des solutions qui propose le meilleur rapport qualité prix en la matière restant la version Sales Navigator de Linkedin.

Le contact : proposez votre aide

Une fois que vous avez bien ciblé les prospects confrontés à un problème précis et sur lequel vous êtes pertinent, il reste encore l’étape redoutée du contact.

C’est ici qu’il faut se rappeler que le seul but de la chasse est de générer un contact positif avec la cible, et non pas de vendre le service. Pour être bien clair, vous n’arrivez très probablement jamais à vendre vos services sur un simple mail. Vous êtes simplement là pour obtenir un contact, comme un rendez-vous téléphonique qui, lui, servira à la vente.

Là encore, rien ne dit que vous devez proposer directement à votre client potentiel (que vous ne connaissez pas, faut-il le rappeler) d’accepter de vous consacrer du temps au téléphone.

Une technique très efficace consiste à construire un petit contenu gratuit qui sera utile aux acteurs que vous avez ciblés. Par exemple, si vous ciblez des startups technologiques probablement confrontées à des problématiques RGPD parce qu’elles font face à une intensification des contrôles de CNIL, vous pouvez rédiger une note regroupant « Les 10 points clefs à valider pour ne pas être inquiété par la CNIL ». Si vous avez bien ciblé vos clients, ceux-ci seront presque tous intéressés par un tel contenu s’il est gratuit.

Contactez ensuite vos cibles avec un mail très court, personnalisé, où vous proposez cette note. Par exemple :

Exemple de mail simple

Si votre prospect vous répond, vous n’aurez qu’à lui envoyer la note et à lui proposer un appel pour en discuter. Vous noterez également qu’avec cette méthode, vous n’avez pas besoin de réellement rédiger la note tant que personne ne vous a répondu positivement. Ce qui fait que, si la tentative est un échec (ça arrive), nous n’avons pas perdu notre temps à écrire une note inutile.

Relancez : vous ne l’avez pas contacté par hasard.

Il s’agit certainement de la partie qui engendre le plus d’appréhension, et pas que chez les avocats. Tout le monde a peur de relancer au début. On a peur de déranger, d’insister. Mais le fait est qu’en moyenne, une seule relance double le taux de réponses positives. N’oublions pas que, comme nous, les professionnels sont eux aussi débordés et peuvent laisser passer les mails ou croire qu’il s’agit d’un mail automatique.

Là encore, il s’agit de relancer en restant correct. La clef est de montrer différentes choses :

  • Que vous n’envoyez ce mail qu’à lui : incluez un élément de personnalisation irréfutable.
  • Montrez-lui que vous savez qu’il est certainement débordé.
  • Montrez-lui que vous savez qu’il peut ne pas être intéressé.
  • Soyez court.

Cela peut donner quelque chose, en réponse au précédent mail, comme :

Bonjour Maxime,

En voyant votre nouvel article sur…, je me suis rappelé de vous contacter.
Vous avez peut-être manqué mon précédent mail (ou vous n’êtes peut-être tout simplement pas intéressé par ces sujets RGPD/par ma note !).
Dans tous les cas, n’hésitez pas à me solliciter si besoin.

Bien à vous,

Enfin, rassurez-vous. Plusieurs des personnes contactées ne répondront pas, ou vous diront ne pas être intéressées, et ce n’est pas grave ! Tant que vous êtes resté correct, personne ne peut vous en vouloir.

Conclusion

Le démarchage n’est pas nécessairement le cliché qu’on voudrait en faire. De plus en plus d’avocats s’essaient à l’exercice, pour certains avec succès. Pour autant, il ne s’agit pas non plus d’une étape obligatoire. Si vous n’êtes pas à l’aise avec des ces méthodes, laissez-les au placard !

Mais si vous êtes curieux, cela peut valoir le coup d’essayer. Comme toujours, personne ne peut savoir s’il s’agit de la bonne stratégie pour votre activité et pour votre manière de fonctionner. Seul un test le dira. Pour cela, ciblez précisément une vingtaine de prospects ayant un problème précis, contactez-les et relancer les. Si vous avez des réponses, persévérez. Autrement, il vaut peut-être mieux essayer une autre cible, un autre message ou une autre méthode que le démarchage !

Dans tous les cas, si ces méthodes de développement commercial vous intéressent, nous y accordons une place de premier plan dans :

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